Pourrais-tu nous décrire brièvement ton parcours en tant que journaliste?
En tant que journaliste, pas exactement. Mais, oui, comme professionnelle de la communication j’ai touché à un peu de tout. Premièrement, j’ai eu la chance de débuter comme aide-journaliste au sein de l’Agence France-Presse à l’occasion des Jeux Olympiques de 1976. De là, directement catapultée à Madrid.
As-tu reçu du soutien provenant de contacts pour pouvoir répondre aux différents critères de sélection?
Oh que oui, un des meilleurs contacts dont une jeunette et débutante pouvait rêver d’avoir, et spécialement à cette époque si machiste : un journaliste chevronné, écrivain et, merveille des merveilles, un bon gastronome! Et c’est ce conquérant espagnol avec qui j’ai vécu au commencement de ma nouvelle vie en Europe. Car dans ce continent si tu n’as pas de contact et encore plus dans ce milieu tu es totalement foutue ou presque. Sauf, si bien entendu, tu es un génie. Ah, Ah, Ah!
Ce soutien a-t-il renforcé ta confiance envers ton potentiel et tes forces?
Beaucoup mieux que renforcer, il m’a fait découvrir que j’avais du potentiel pour écrire et que tout un univers pour exploiter ces capacités s’ouvraient devant moi et « oh la la » que je pouvais même transformer ça en un gagne-pain! Tandis qu’ici au Québec, à l’époque, avant de pouvoir vivre de l’écriture, si on y arrivait un jour, ça voulait dire que préalablement on avait dû parcourir un long chemin de crève-faim…
C’est comme les animaux sauvages. Prenons l’exemple d’un grand fauve qu’on retire de sa jungle et que depuis tout petit on élève avec les plus grands soins et beaucoup d’affection; ce qui aurait pu être un féroce prédateur devient alors un beau et immense chaton qui ronronne, vous étreint avec ses grosses pattes, vous fait des câlins à n’en plus finir et vous donne de grands coups de langue sans jamais montrer ses dents pour vous manger tout cru! Si on pouvait implanter chaque être humain dans l’ambiance/l’entourage qui soit le plus adéquat/motivant pour favoriser son développement personnel, imaginez comment se transformerait cette société… Et la Terre qui tournerait un peu plus rond que maintenant!
Est-ce que cette confiance en toi t’a permis de traverser des obstacles et des défis professionnels?
Lorsqu’on travaille dans un domaine qui nous plaît et surtout dans lequel on déploie une certaine habileté (un talent comme on dit), la confiance vient de pair, elle apparaît tout naturellement, elle nous accompagne toujours et nous lâche encore moins dans ces moments où on doit traverser des embûches, voir même tomber. C’est un vrai pouvoir qui, à l’instant où surgit le mot problème, solution est l’autre mot qui s’y accouple irrémédiablement. C’est notre système d’éducation qu’il faut absolument changer et dès la première année scolaire. Rappelons-nous de ce grand et petit fauve qui, au lieu de M. Hyde, est devenu un bon docteur Jekyll. Et aussi en me basant uniquement sur ma propre expérience d’humain je propose qu’au lieu des chasseurs de cerveaux nous ayons dès le primaire des chasseurs d’habiletés culturelles. Ceux-ci tendraient autour des enfants différents appâts tels que la musique, la peinture, la danse, la création de textes etc. l’artisanat, etc. et pourraient ainsi détecter l’habileté de chacun dans leur propre domaine. C’est, pour qui que ce soit, un puissant encouragement qui se transforme en un moteur qui nous pousse à continuer d’apprendre et à nous ouvrir… Ça pourrait s’appeler aussi Médecine Préventive de l’Esprit. L’autruche qui, auparavant enfouissait sa tête dans le sable, bien par peur de se regarder elle-même, crainte des autres ou parce qu’elle ne trouve aucun intérêt sur ce qui l’entoure, maintenant lève la tête bien haute car elle aussi a quelque chose à montrer.
À ton retour au Québec, que s’est-il passé dans ta vie? Quel a été ton statut et ses répercussions sur ton moral?
De retour au Québec j’ai sombré dans une dépression majeure. Or, je n’arrivais pas à trouver la sérénité pour focaliser un emploi adéquat pour moi. Et en plus il y avait le problème de la langue. Après 40 ans passés en Espagne et en plus dans le domaine de la communication, l’espagnol est devenue ma toute première langue! Une fois ici, ce fût comme si je recommençais une autre vie bien différente. Et les débuts, on le sait très bien, sont toujours très difficiles…
As-tu reçu de l’accompagnement pour dépasser tes limites?
J’ai reçu l’énorme appui et le plus proche accompagnement de la part de ma soeur bien-aimée. Et évidemment de l’aide psychologique professionnelle. Cependant j’ai remarqué que malheureusement le système ne produisait pas suffisamment de « psys » pour satisfaire les besoins de la population québécoise. Même si dans ces moments-là je n’ai pas pu profiter de l’expertise d’un traitement privé avec un psychologue, j’ai pu avoir accès à des centres tels que le CILL, l’Iris et le Caf-Graf qui réellement font un excellent travail point de vue accompagnement, orientation, occupation, soutien moral, loisirs et plus encore! Ceux qui travaillent dans ces organismes sont aussi des Anges tels qu’on a qualifié les professionnels de la santé physique en pandémie. Je me souviendrai jusqu’au restant de mes jours de ces êtres d’exception qui sont autant vocationnels que professionnels. Soit dit en passant, Madame Toutant, je vous inclus aussi dans ce paquet d’Anges…
Le bénévolat que tu effectues actuellement te procure-t-il de la satisfaction face à ton estime personnelle?
Vous voyez, par exemple, c’est grâce au CILL si j’ai découvert ma facette de professeure. L’orienteuse en emploi, Myriam Mousseau, m’y a encouragée. Même si je n’étais pas totalement convaincue, j’y ai mis tous les efforts possibles pour bien faire, et surtout en pensant que ça pouvait être une façon de participer moi aussi dans cette noble tâche de mettre mes connaissances au profit des autres. Et ça a vraiment bien marché et ça continue. En plus d’avoir découvert mes capacités pour un nouveau métier, je sens que d’une certaine façon, même si c’est très discrètement, je fais aussi partie de l’aide inestimable apportée par ces Anges antérieurement cités. Alors on en déduit que l’estime de ma personne est vraiment en train de léviter!
Crois-tu qu’on devrait créer davantage d’activités ou de postes en milieu communautaire pour permettre à tes pairs de pouvoir actualiser aussi leur potentiel?
Ce serait une idée fabuleuse. À la procréation des Anges nous assisterions! Vous imaginez un monde où chacun d’entre nous offrirait son meilleur et plus apprécié talent pour le mettre au profit de qui en aurait besoin? Aum, Om… Je dois être encore en train de léviter…
As-tu déjà été invitée à une Table de concertation pour exprimer tes idées issues de ton savoir expérientiel?
Ici au Québec, jamais. Mais j’aimerais bien le faire si cela pouvait être bénéfique pour ceux qui participeraient à cette réunion.
Dans tes propres mots, comment définirais-tu l’appropriation du pouvoir?
Je dois avouer que je n’aime pas du tout cette expression, appropriation du pouvoir, qui me renvoie à un coup d’État : les militaires qui prennent le pouvoir! Je crois que tout ce dont on a parlé dans cette entrevue illustre assez bien ce que me semble veut signifier cette expression.
Dans ton environnement, as-tu été témoin de l’épanouissement de citoyens vivant l’exclusion?
Oh que oui! J’ai observé des personnes, qui dans cette société pourraient malheureusement être considérées comme des laissés pour compte, s’épanouir au sein de ces organismes spécialisés. Et ceci m’a donné le grand privilège de connaître des êtres réellement surprenants qui, dans la plupart des cas, sont de belles personnes.
Comment ces gens ont-ils fait pour dépasser les limites, parfois imposées par notre milieu communautaire et politique?
Je crois que si elles ont réussi à dépasser ces espèces de limites imposées c’est parce qu’on a disposé autour d’eux un entourage propice. C’est vieux comme le monde : nous sommes comme des poissons heureux dans l’eau, ou comme des plantes qui croissent en santé sur un terrain fertile et un oxygène respirable.
Crois-tu important que l’appropriation du pouvoir se concrétise également sur le marché de l’emploi et celui du logement?
En effet et ce serait comme construire le Paradis sur Terre!
En conclusion, en lien avec le pouvoir de s’approprier une vie citoyenne digne, aurais-tu un commentaire à exprimer envers nos organisations et ceux qui en sont parties prenantes?
Ne nous lâchez pas! Continuez, car le bien que vous faites est extraordinaire. Mais la chose principale qui en ce moment je pense n’existe pas dans ces organismes, c’est qu’on prenne soin de vous, les Anges: alléger le poids de vos tâches afin que vous puissiez continuer de voler en nous faisant partager cette vue du haut des airs sur tous ces bienfaits terrestres qui n’attendent qu’on sache où et quand les cueillir.